Deux scènes avec des aérostats (Souvenir du général Meusnier La Place) ; Anonyme, France 1794
Plume, encre de Chine et aquarelle. H. 034 : L. 0,44. (Bonnet en laine, H. 0,235 ; L. 0,31). Inscription en bas : Le génie mériteroit des chaînes s'il favorisoit les crimes des tyrans. En-dessous à gauche : Souvenir du citoién C.V.M.L. / 26 pluviôse de l'an II [14 février 1794] ; à droite : Il découvrit la Direction des / Aérostats. Sur la banderole de l'aérostat, à droite : Droits de / l'homme. Sur un morceau de papier collé au dos du montage Bonnet révolutionnaire donné par Monsieur Auguste Hesse, peintre, membre de l"Institut, qui le tenait de son père, tailleur de la Convention, rue de la Grande Truanderie en 1793.
Prov. : [...] ; Nicolas-Auguste Hesse (1795-1869) ; [...] ; 1985, acquis sur le marché de l'art à Paris. Inv. 1985-147-1 (bonnet), 1985-147-2 (dessin).
Exp. : 1985, Vizille, p. 72, n° 120 ; 1986, Bourg-en-Bresse, Roanne, p. 132, n° 82 ; 1991, Bregenz, p. 283, n° 12-3.
Cette aquarelle met en valeur une précieuse et émouvante relique, le bonnet d'un général de la République mort pour 1a patrie. L'assemblage a été réalisé en "souvenir" d'un mystérieux "C.V.L.M.", un homme de science - de "génie" - qui aurait trouvé un moyen pour diriger les aérostats. Parmi ceux qui revendiquaient cette découverte à l'époque, i1 s'agit probablement du général Meusnier [de] La Place (1754-1793). Ce brillant militaire-savant, membre du corps des ingénieurs et en 1784 de l'Académie des Sciences, dessina en 1785 un projet de ballon dirigeable, jamais réalisé. Promu lieutenant-colonel quelques jours avant la prise de la Bastille, il ne cessa de gravir les échelons de la hiérarchie militaire au cours de la Révolution. Il fut envoyé à l'armée du Midi en mai 1792, puis employé au ministère de 1a Guerre ; en février 1793, il rejoignit l'armée du Rhin, jusqu'à sa mort glorieuse à Mayence le 13 juin 1793, peu après avoir été nommé général de division. La principale objection que l'on puisse faire à cette identification concerne 1e prénom de Meusnier ("Jean-Baptiste-Marie-Charles"), qui ne s'accorde pas avec "C.V.". Mais on peut supposer que sous la République, il ait rejeté ses trois premiers noms d'inspiration chrétienne et adopté à la suite de "Charles" un nouveau prénom avec un V : Les plus courants - Victor, Victoire - convenaient au militaire de carrière.
A gauche, le dessinateur imagine les campagnes militaires des aérostatiers révolutionnaires, dont le ballon reprend le modèle de montgolfière de 1783, avec un nouvel emblème décoratif (une gorgone à la place d'Apollon). Rappelons que le Comité de salut public avait en juin décidé d'équiper les armées de ballons, où des hommes, "placés comme en sentinelle perdue au haut des airs, observeraient les mouvements de l'ennemi". Une école fut créée à Meudon ; la première compagnie d'aérostatiers, formée en avril 1794, se distingua notamment lors de la bataille de Fleurus 1e 26 juin. A droite, un esclave tend les bras vers une nacelle imaginaire. Un sans-culotte lui lance une banderole tricolore proclamant les droits de l'homme. Dessinée dix jours après l'abolition de l'esclavage le 4 février 1794, cette scène illustre la communication de l'heureuse nouvelle aux colonies.
Source : Catalogue des peintures, sculptures et dessins ; Musée de la Révolution française, Vizille, 1996, pp. 254-[255]